La nouvelle convention de l’assurance-chômage est entrée en vigueur le 1er juillet. Particulièrement visés par la réforme, les intermittents du spectacle dénoncent une situation tendue, pour tous les précaires.
La réforme de l’assurance -chômage s’est donnée plusieurs objectifs: sécuriser les salariés dans leur parcours entre emploi et chômage, inciter plus fortement à la reprise d’emploi et simplifier ses règles. L’accord passé entre le patronat et trois syndicats le 22 mars, destiné à faire 2 milliards d’économies d’ici 2016, ne concerne pas seulement le régime des intermittents, mais tous les précaires: différé d’indemnisation pour les chômeurs pouvant atteindre 180 jours au lieu de 75, prélèvement «solidarité» obligatoire pour les chômeurs de plus de 65 ans, intermittents hors spectacle qui rejoignent le régime général, diminution du montant minimum d’indemnisation… Alors si le mouvement des intermittents est justifié, comment expliquer que les médias aient focalisé sur le sujet, alors que la réforme touche l’ensemble des salariés? Une façon de noyer le poisson?
250 000 intermittents du spectacle cotisent à l’assurance-chômage, mais moins de la moitié perçoit des allocations pendant une période de chômage, représentant un trentième des allocations chômage versées en France. Dénonçant l’ «inéquité entre les salariés», le Medef a mis au premier rang de ses propositions la fin du régime spécifique des intermittents, l’un des piliers de la politique culturelle française. La nouvelle convention durcira les conditions d’indemnisation en rallongeant, notamment, le délai de carence entre période travaillée et versement des allocations. Et malgré l’annonce de Manuel Valls de prise en charge par l’Etat du différé, la CGT -Spectacles promet d’ores et déjà des «festivals perturbés».
La culture, un secteur économique qui ne ressemble pas aux autres
Il serait regrettable que la culture se fonctionnarise, mais personne ne peut en effet nier son poids économique, le cadeau de l’Etat est donc tout réfléchi. A titre d’exemple, le Festival d’Avignon génère à lui seul quelques 23 millions d’euros chaque année de retombées économiques pour la ville (source AFP). Les secteurs marchands culturels regroupent 160 000 entreprises et emploieraient 2,3 % des actifs, soit autant que l’agriculture (à noter que Disneyland Paris est le premier employeur en France…).
Tous les salariés sont directement touchés par la réforme, on aurait tendance à l’oublier. Mais aujourd’hui, le danger serait de tomber dans la caricature: cigale contre fourmi, ouvrier contre artiste, la France qui se lève tôt, celle qui se couche tard. Caricature largement alimentée de part et d’autre, parfois servie sur un plateau par les médias. Le régime spécifique des intermittents du spectacle s’explique par le caractère non pérenne des contrats et la précarité de leurs conditions d’emploi. Contrats par ailleurs trés utilisés par les sociétés de production audiovisuelle. Si sa remise en cause découle d’une situation économique déficitaire, elle pénalise l’ensemble d’une profession au risque d’écarter les plus fragiles, les plus jeunes… et n’est peut-être que le prémice à d’autres mesures d’économie qui stigmatisent à chaque fois tous les chômeurs. Le mouvement retombera-t-il, l’été nous le dira. La colère des intermittents sous-entend la volonté de vivre de son travail, dignement. Si la précarité n’est pas un choix, leur métier en est un …et c’est là un droit absolu. F.V.
Photo Ici.tt1.fr