MAILLÂGES : Cohabitation entre générations : un nouveau type de solidarité précieux pour les seniors et pour les jeunes.

Elle se fait souvent appeler « Mamie ». Ou bien par son prénom, tout simplement. Mais pas tout de suite. Au début, il y a ce temps normal de l’observation où chacun prend ses marques et tente de s’adapter à un mode de vie en train de changer. Parce qu’un « étranger » est venu s’installer chez soi et qu’il oublie de temps en temps d’éteindre la lumière en quittant une pièce. Parce qu’il va falloir « composer » avec une ancienne parfois maniaque, voire autoritaire. Sensible au moindre bruit. La vie a réuni deux individus séparés par une cinquantaine d’années, au minimum.

Deux profils

L’un de ces protagonistes n’est généralement plus tout jeune et vit seul, rarement en couple. La solitude, le manque de contact avec les autres lui pèsent, même si les enfants passent de temps en temps et téléphonent. Des enfants qui entrent eux – mêmes dans la catégorie des seniors et se retrouvent pris entre des parents vieillissants et des enfants tardant à entrer dans la vie active et de plus en plus sujets aux classiques « accidents de la vie » – séparation, perte d’emploi…-. L’ancien (en fait, l’ancienne, dans 99% des cas !) s’ennuie, manque de stimuli et ne se confronte qu’à son plateau télé une fois que les services sociaux de la commune ont terminé la ronde infirmière, aide-ménagère, aide-soignante, kiné, portage des repas. Un black out total entre 18h et 8 h. À l’intérieur duquel on se retrouve seul face à soi – même et à l’angoisse de la nuit. Beaucoup s’en accommodent, contraints et forcés. Mais vivent mal ces moments. Pas facile de combler le vide. Et il est rarement envisageable sur le plan financier de faire appel à une garde de nuit lorsqu’il n’y a pas un état de santé réellement alarmant.

Avant toute chose, on souhaite retarder le plus tard possible son entrée en maison de retraite.

Le second protagoniste est jeune (entre 18 et 40 ans selon les associations, et très majoritairement féminin), tire souvent le diable par la queue pour financer ses études, se loger et vivre un peu à côté, quand même. Parfois, il est en formation continue, loin de sa ville d’origine, et peine à financer deux loyers, le temps de sa formation. Ou alors, tout simplement, il travaille mais a du mal à trouver un logement qui lui soit financièrement accessible. Il garde un souvenir ému de ses relations avec ses grands – parents et se dit que, finalement, même s’il lui faut faire quelques concessions, cohabiter avec un senior n’est pas un obstacle infranchissable à son épanouissement personnel, au contraire.

 

Rencontre de deux attentes

Il y a donc, à ce moment donné, rencontre de deux attentes. D’un côté, une personne âgée, qui se sent isolée même si elle est souvent entourée par des enfants qui culpabilisent de ne pouvoir vivre avec elle au quotidien. De l’autre, un(e) jeune, qui se sent suffisamment mûr pour renoncer à une partie de son autonomie. L’aventure peut alors commencer, intense, parsemée d’embûches, mais rassurante pour tous. Vivifiante pour le senior. Déculpabilisante pour ses enfants. Enrichissante pour l’hébergé.

Ce nouveau type de solidarité est apparu en Espagne il y a pas mal d’années déjà.

Arrivé en France au milieu des années 2000, il commence à faire parler de lui et fait des émules un peu partout en France.

En Pays basque, c’est en 2013 que se sont formés les premiers binômes. Pierre de Nodrest, son chargé de mission, veille au recrutement et au suivi de cette petite dizaine de « couples ». « Nous sommes exigeants au départ, mais c’est la condition sine – qua – non, selon moi, pour que les conditions d’un succès de vie commune soit réunies ». Il faut en effet deux mois de procédure au candidat hébergé pour valider le dossier. Cela veut dire aussi que celui qui n’aura pas mûrement réfléchi à son projet ne pourra pas passer ce cap.

Quant à la mamie accueillante, elle doit être valide.

Donc, la « sélection » est draconienne, et c’est normal, au vu des enjeux humains. « Au moment où un jeune se présente, on présente clairement tous les cas de figure qui peuvent se passer. Les plus agréables et les possibles, liés au vieillissement. Pas d’édulcoration d’une réalité qui peut survenir à tout moment et que le jeune doit mentalement se préparer à affronter, même si ça n’arrive pas tous les jours. Au fond, l’hébergé doit surtout être capable d’alerter en cas de gros souci, sans se substituer au corps médical. Chacun ses responsabilités et ses compétences : il est là pour rassurer le senior et sa famille, pas pour intervenir médicalement.

Ces limites, elles sont exposées aux jeunes qui prennent contact avec l’association. Son responsable, est convaincu que le Pays basque, la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées, territoires à la population vieillissante et qui développent des formations supérieures, ne peuvent qu’adhérer aux principes de la cohabitation intergénérationnelle.

Une charte des droits et des devoirs, des dossiers « accueillant » et « accueilli » plutôt fouillés et une convention individualisés sont là pour encadrer cette nouvelle forme de solidarité amenée à se développer, malgré les réticences des uns et des autres, malgré notre individualisme latin.

Aider à rompre l’isolement des anciens et permettre aux plus jeunes de suivre des études ou de démarrer leur vie professionnelle dans de bonnes conditions sont de bonnes raisons pour que ces dispositifs se développent et soient soutenus par les collectivités en charge des seniors et des jeunes. Et pour que nous sortions tous de notre méfiance compréhensible pour nous ouvrir à ces nouveaux champs d’aventure humaine.

 

contacts :

association Maill’âges

Pays basque – Sud des Landes – Alice LASSERRE – 06 72 69 94 25

Hautes Pyrénées – Haute Garonne Pierre de NODREST – 06 60 43 19 42

 

 

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pierre

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