Interviews — 07 novembre 2014

Nous avons rencontré Naâman au cœur de sa tournée, avec la question suivante: d’où vient cet engouement de toute une jeunesse pour ce jeune Français ambassadeur de la culture reggae…pur produit des réseaux sociaux ou sincérité musicale? Derrière l’affiche et le sourire se cache une surprise à taille humaine, les valeurs du reggae sont sauves.

De passage dans les Pyrénées, Naâman est sur la fin d’une tournée qui révèle un vrai charisme, amplifiant son désir de poursuivre l’aventure. Nous attendions une star, mais c’est un homme disponible et bienveillant qui nous livre son histoire. Encensé par son public et un porté par un premier album élu Album Reggae French Touch de l’année, Martin Mussard, alias Naâman, s’engage avec sa musique à ne garder que le meilleur: une vraie relation avec ses musiciens et son public, une gentillesse déroutante.

Martin Mussard, vous empruntez votre nom de scène à un personnage biblique. Pourquoi ce choix?

Martin Mussard: C’est un nom qui sonne très bien…et son histoire illustre ce que la musique m’a apporté. Dans une jeunesse qui se cherche, Naâman indique une direction à suivre et inspire la confiance.

Vos textes dénoncent une certaine décadence de la société occidentale. En quoi vous paraît-elle si décadente?

Je dénonce surtout le fait que l’on s’éloigne de quelque chose de primordial: notre lien avec l’univers, le tout, la Nature. Nous nous perdons dans des préoccupations matérielles, des choses qui n’ont pas de sens et qui ajoutent à la pression quotidienne, une peur du lendemain. Au niveau politique…n’en parlons même pas! Il n’y a rien de constructif et il n’y a pas de véritable démocratie, à commencer par les médias. La décadence, c’est un peu tout ça…mais ça ne vient pas forcément de l’extérieur, la solution est personnelle. A chacun de se poser les bonnes questions, de se recentrer sur l’essentiel et de croire en ce qu’il y a de bon.

Comment vit-on le succès à 24 ans?

C’est encore une question de choix, savoir garder les pieds sur terre et se rappeler où on veut aller. Cet équilibre est peut-être instinctif, ou dû à l’éducation, au confort affectif reçu pendant l’enfance. Celui qui est né dans une famille aimante et qui a de quoi survivre a déjà plus de chance que celui qui a manqué de tout et surtout de confiance. Tout acte créateur – faire de la musique, élever des enfants – induit une responsabilité, un certain regard sur l’avenir.

Qu’est-ce qui vous a porté vers la musique et vers le reggae?

Le reggae est une musique que j’ai aimée très tôt. Comme je le raconte souvent, j’ai acheté à 12 ans «Uprising» de Bob Marley…je suis tombé immédiatement amoureux! Plus tard, j’ai rencontré des amis qui m’ont fait écouter du reggae et nous avons formé un petit groupe sound-system, dans lequel je chantais. J’ai fait du dessin et du théâtre, mais la musique est la façon de m’exprimer la plus naturelle. La guitare m’a aidé pour mes premières compositions, mes premières chansons.

«Le cannabis dans la société française…aujourd’hui, ce serait bien de se poser les bonnes questions!»

Vous soutenez la filière légale de production de cannabis. Cette prise de position n’est-elle pas dangereuse, sachant qu’un grand nombre de jeunes vous écoute?

Il faut être très délicat quand on évoque le sujet. En rencontrant le public après les concerts, j’ai déjà entendu de très jeunes gens en parler très ouvertement…c’est dérangeant. Mais c’est intéressant de pouvoir s’exprimer quand on peut le faire, l’herbe est une bonne chose si elle est bien utilisée, mais les discours sont hypocrites et ne posent pas les bonnes questions. Notamment sur le plan médicinal, il ne faut pas nier ses qualités et ouvrir les portes pour ceux qui en ont besoin. Je suis placé sur écoute, car la police sait que je consomme…ce sont de petits soucis, mais auxquels je suis confronté tous les jours.

Vous connaissez la Jamaïque. Correspond-elle aux représentations?

J’y suis allé à deux reprises, je suis un mordu de voyages. La Jamaïque est encore imprégnée de musique, même si elle présente certainement un autre visage que dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Il y a de la musique dans les rues, des jeunes qui chantent partout, un grand dynamisme musical et culturel. Son rythme est reposant quand on arrive de France, sa nature insulaire fixe le décor. J’ai sympathisé avec des musiciens, qui sont venus en France suite à une chanson réalisée en Jamaïque, intitulée «Chill Out». Nous sortons un 6 titres en fin d’année, quelque chose d’imprévu et de fait «à la maison», ça devrait être sympa! Je ne recherche pas spécialement les collaborations, mais j’aime les vraies connexions. Généralement, c’est le voyage qui crée cette magie. Je reviens du Liban avec un projet et des sons complètement différents. La musique c’est tout ça…des rencontres que l’on fait tout au long du chemin.

Propos recueillis par FV

«Deep Rockers Back a Yard», 2013, Soulbeats Records / 1001 ProdsRecords

Nouvelle édition CD + DVD, 2014 / CD «Deep Rockers Back a Yard» / DVD «From the Deep to the Rock» / Plus d’infos www.soulbeats.fr

http://www.naaman-official.com/

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pierre

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